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Mise en ligne le 01/12/2017

MAJ du 15/01/2024

Général Yves de SESMAISONS (1925/2014)






CHANTAL de SESMAISONS

NEE de LINIERS

1-2-1930 17-9-2013

GENERAL YVES de SESMAIMONS

9-10-1925 13-3-2014










ELOGE FUNEBRE DU GENERAL Yves de SESMAISONS



Je ne mesure qu’imparfaitement le redoutable honneur que le Général de SESMAISONS, Grand Officier de la Légion d’Honneur, me fait en ayant demandé que je lui rende un dernier hommage. Dire des mots d’amitié et chaleureux à la fin de la messe m’aurait été facile et naturel. Mais prononcer, dans cette Cour d’Honneur des Invalides chargée d’Histoire, l’éloge funèbre d’une personnalité aussi riche, devant tant de personnes qui l’ont connue, admirée et aimée, devant sa famille, enfants, petits enfants, frères et sœurs, devant des militaires du rang aussi bien que des sous-Officiers et des Officiers généraux est impressionnant. Mais j’accepte avec fierté sa dernière volonté car, au-delà du grand honneur que je ressens, c’est cette grande amitié, cette immense confiance réciproque qui m’habite toujours, qui me poussent à le faire, et je lui dois bien, je vous dois bien, cette reconnaissance.



Je n’en finirais pas d’énumérer ses innombrables qualités, en particulier son courage, son sens de l’honneur, son intelligence, y compris celle du cœur, mais en même temps sa simplicité, sa modestie, sa disponibilité, son dévouement aux autres. Pour moi, et pour beaucoup d’entre vous, j’en suis sûr, Yves de SESMAISONS a été durant toute sa vie un ETRE EXCEPTIONNEL PROFONDEMENT HUMAIN, que ce soit durant sa carrière d’Officier, pendant son calvaire de Prisonnier du Viet-Minh ou comme Président de l’ANAPI (Association Nationale des Prisonniers, Déportés, Internés d’Indochine).



1/ Une carrière d’Officier remarquable



Comme me l’a encore dit récemment le Général SIMON, Grand Croix de la Légion d’Honneur, Yves de SESMAISONS se distinguait déjà dans sa classe préparatoire à saint-Cyr, à « Ginette ».



Reçu à Saint-Cyr, Promotion NOUVEAU BAHUT, 1945-1947, le Général de SESMAISONS a eu une carrière riche et variée. En Algérie et en Indochine, il est au 6ème Régiment de Tirailleurs Marocains de 1948 à 1951, puis au 7ème Régiment de Tirailleurs Algériens de 1958 à 1961 durant la Guerre d’Algérie.



Après l’Ecole d’Etat-Major, puis l’Ecole de Guerre, il exercera de nombreuses fonctions dans cette même Ecole de Guerre et à l’Ecole des Officiers de Réserve du service d’Etat-Major. Il aura aussi servi à l’Etat-Major Particulier du Président de la République, le Général de GAULLE, et exercé de hautes responsabilités à l’Action Sociale des Armées et au secrétariat Général de la Défense Nationale.



Sa carrière remarquable se caractérise aussi particulièrement par ses décorations. Il totalise, en plus de trois blessures, cinq citations : trois durant la Guerre d’Indochine, dont une à l’ordre de l’Armée, et deux durant la Guerre d’Algérie. En 2004 il a été élevé à la Dignité de Grand Officier de la Légion d’Honneur.



Ses deux plus grandes satisfactions ont été le Commandement au combat de Tirailleurs, Marocains en Indochine et Algériens en Algérie, ainsi que le Commandement de Promotions de Saint-Cyriens. Deux témoignages illustrent le caractère profondément humain du général de SESMAISONS.



Le premier consiste en des extraits de sa citation à l’ordre de l’Armée. Je cite le Décret du 10 mai 1951 :



« …A fait preuve pendant les combats de VINH-YEN les 15 et 16 janvier 1951 d’un mordant et d’un allant exceptionnels… S’est emparé de vive force de la Cote 45. Dans la nuit du 16 au 17 janvier, violemment attaqué, a repoussé au corps à corps l’ennemi qui avait pénétré à l’intérieur de la position.



Attaqué à nouveau à 0h30, a pris le commandement de la Compagnie, son Capitaine étant gravement blessé, se portant aux points menacés afin de lancer les hommes en contre-attaque. Bien que blessé, a continué à encourager les Tirailleurs à tenir contre les vagues d’assaut… Au moment du décrochage, a été gravement blessé et emporté dans la nuit par un groupe ennemi qui l’a assailli par surprise, alors qu’il était parti seul pour s’assurer qu’il ne restait plus de blessés sur le terrain. »



Ce texte officiel résume l’être profondément humain : il combat depuis 48 heures, il est blessé lui-même, il prend le Commandement de la Compagnie, organise le décrochage en bon ordre après avoir repoussé de nombreux assauts, mais avant de se replier, va s’assurer qu’il ne restait plus de blessés sur le terrain.



Le deuxième témoignage est donné par le Général d’Armée CUCHE, Gouverneur des Invalides, au nom de tous ses camarades de la Promotion de Cyr « SOUVENIR de NAPOLEON » que le Lieutenant-Colonel de SESMAISONS commandait.



II/ Une captivité hors du commun



Blessé grièvement trois fois lors de combats particulièrement âpres en janvier 1951, lors de la Bataille de VINH-YEN, il est fait prisonnier par le Viet-Minh et, fait tout à fait exceptionnel, il est soigné dans un « Hôpital », en réalité une grotte, par un authentique chirurgien formé à la faculté de Médecine de Hanoï, puis à Paris.



Il est ensuite enfermé successivement dans trois prisons civiles ou pénitentiaires où il a notamment subi l’épreuve du carcan : on enserre une cheville afin d’éviter les évasions. Puis il rejoint deux camps de prisonniers, dont le camp 113. Comme les autres camps (environ 130), ce sont des « villages » de paillotes de bambou couvertes de feuilles de latanier. Je continue de citer le Général de SESMAISONS : « Les conditions de vie se caractérisent par la précarité absolue…la vermine se multiplie : poux, punaises, puces etc…Le camp ne possède ni médecin, ni médicaments… les maladies se multiplient : hépatites, typhus, béribéri, dysenterie amibienne, paludisme, spirochétose, provoquée par l’urine des rats… » L’infirmerie est en fait une « morgue où achèvent de mourir les malheureux qu’on y amène à toute extrémité, squelettiques, exsangues… »



Par ailleurs, il y a les cours politiques qui font partie du processus de « lavage de cerveau », procédé pratiqué dans tous les goulags. Je rappelle que sur les 37000 prisonniers du Viet-Minh, 71% sont morts en captivité, soit un pourcentage du même ordre que celui des déportés-résistants dans les camps nazis.



Je résumerai cette description en citant le Colonel Eric WEINBERGER, ancien déporté à BUCHENWALD et Prisonnier du viet-Minh : «J’ai eu l’occasion de comparer les méthodes des nazis et des Viets. Juifs, Tziganes, résistants de tous bords, s’ils nous réduisaient en une sous-humanité, les nazis ne cherchaient pas à nous convertir. Par la faim, les privations, les Viets nous amenaient au même état que les nazis, mais ils exigeaient en plus que nous adhérions à leur système, en reniant toutes nos valeurs, notre foi en la justice, en notre pays ».



C’est dans cette ambiance et ce contexte atroces que le jeune Lieutenant de SESMAISONS, seul Officier dans un état de santé lui aussi déplorable, a été conduit à prendre des responsabilités pour essayer d’atténuer les souffrances de ses camarades. Ce fut une décision empreinte de sagesse et de réalisme. Je donnerai un témoignage que j’ai recueilli auprès du Colonel FILLEUL, lui aussi prisonnier dans le camp 113, et qui avait une très grande estime pour son « Lieutenant » et son action efficace au camp 113. Comme il me parlait souvent de plusieurs prisonniers qui avaient échappé à la mort grâce au Lieutenant de SESMAISONS, je lui ai directement posé la question : « Combien de vies de prisonniers estimez-vous que le Lieutenant a sauvées ? » Après un moment de réflexion, il m’a répondu « au moins 50 ! ». Voilà tout simplement l’être humain qui, dans sa modestie habituelle et naturelle, ne s’est jamais mis en avant et ne m’a jamais parlé de quelque chiffre que ce soit.



Nous retrouvons ce même dévouement dans sa Présidence de l’ANAPI.



III/ La Présidence de l’ANAPI 1990-1995



Bien que non candidat à cette Présidence, il a bien voulu accepter cette élection et a, grâce à ses qualités humaines, réussi à aplanir de nombreuses dissensions au sein de cette association. Il a d’abord eu la lourde charge de mettre en place les modalités d’application du statut de « Prisonnier du Viet-Minh » défini par la Loi du 31 décembre 1989 et les textes d’application en 1990. certes, il a été beaucoup aidé par les Présidents des 22 Délégations régionales et les membres du Bureau National. Mais il était au cœur de tous les problèmes qui se posaient et qui remontaient au Président…afin qu’il essaie de les résoudre avec les administrations concernées.



Mais un énorme souci a dominé tous les autres : « l’Affaire BOUDAREL » et les poursuites judiciaires – à l’époque, la plupart des associations , dont l’ANAPI, ne pouvaient ester en justice - . Ce n’est pas le jour ni le lieu de rentrer dans les détails. Mais Yves en a, et on le comprend, beaucoup souffert moralement. A l’époque je n’exerçais strictement aucune responsabilité à l’ANAPI, mais j’étais Secrétaire Général du Conseil Supérieur de la Fonction Militaire basé à l’Ecole Militaire, donc tout près de son domicile.



Non seulement nous avons très vite fait connaissance, mais surtout des liens d’amitié, de très grande sympathie, d’empathie même, se sont créés entre nous et nous nous voyions très souvent en nous parlant de tout à cœur ouvert. Si j’ai pu l’aider moralement dans cette période difficile, il me l’a largement rendu lorsque je suis devenu Président en 2000. Quand j’avais des doutes, des hésitations sur un problème humain en général, il était toujours de bon conseil. Je n’ai aucun souvenir d’avis divergent entre nous, sur quelque sujet que ce soit. J’ajoute que j’ai eu l’occasion d’apprécier, à de nombreuses reprises, l’accueil toujours sympathique de Madame de SESMAISONS, hélas disparue il y a quelques mois.



Avant de terminer cet éloge funèbre et après avoir dit qu’Yves de SESMAISONS avait eu une carrière d’Officier remarquable, je tiens à vous livrer une réflexion sur cette période de la Guerre d’Indochine concernant les Prisonniers du Viet-Minh de 1951 à 1953. Aux Etats-Unis dans les années 1950, sévissait une vague de Maccarthysme et de chasse aux sorcières. Le mal s’est aussi répandu au sein de l’Armée française, chez des personnels des services de renseignement notamment, qui ont en particulier suspecté nombre de prisonniers libérés d’une manière anticipée. Ceux-ci ont souvent, par la suite, été freinés dans leur avancement ou dans l’obtention de décorations. Cela a concerné à la fois des Officiers et des Sous-officiers.



Yves de SESMAISONS aurait mérité une plus grande reconnaissance dans son avancement et je ne suis sûrement pas le seul à le penser.



Je veux vous redire notre peine à tous et vous présenter, Madame, Monsieur, nos sincères condoléances.



Mais je m’adresse particulièrement à vous, ses petits enfants : Vous avez eu un Grand père exceptionnel, profondément humain ! Gardez-le bien en mémoire, comme nous tous. »



Contrôleur Général des Armées (2S)

Jacques BONNETETE

Président de l’ANAPI

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